Philippe Claudel

 

 Rature  (2023)

 

A mon sens, Philippe Claudel est un écrivain très remarquable : pour son imagination d’une part, mais aussi et surtout pour la qualité picturale et purement littéraire de son écriture. Il a su décrire un vieux pêcheur amoureux de ses expéditions, de son métier et de la mer personnifiée bien souvent dans son langage. Il s’agit d’un fascicule très court qui exprime de ravissante façon la passion du pêcheur qui ne vit que par et pour la mer, son bateau et la pêche. Il doit être extrêmement difficile d’écrire de cette façon si syncopée en restant incisif et imagé.  Les mots sont comptés, les phrases courtes et les images magnifiquement rendues. Les souffrances ne sont pas effacées, elles apportent une note tangible dans un univers sacré.

Nguyễn Phan Que Mai

 

Là où fleurissent les cendres (2023)

 

En pleine guerre du Vietnam et en présence des soldats américains, deux sœurs décident de chercher du travail à Saïgon pour venir en aide à leurs parents démunis. Elles refusent la prostitution mais à l’instar de nombreuses jeunes vietnamiennes, la subissent de plein fouet. Avec des pères rentrés aux US, cette situation génère un grand nombre de naissances amérasiennes qui seront souvent rejetées ou très mal acceptées. Ces vies de douleurs sont le thème de ce livre qui dévoile par ailleurs les innombrables difficultés que les parents rencontrent à la recherche de leurs enfants. Ce livre m’a plu pour la raison essentielle qu’il ouvre cette fenêtre d’informations que le lecteur connaît sans s’en être jamais soucié. A aucun moment la traduction ne gêne la lecture. Le texte garde la grande chaleur de sentiment en parallèle de la dureté infinie du temps vécu et les termes du titre de l’ouvrage reflètent en tout point ce paradoxe. 

 

 

Paul Saint Bris

L’Allègement des vernis (2023) 

 

Au Louvres, on demande au conservateur des peintures, une restauration de La Joconde. Il s’en suit l’histoire du fonctionnement du musée, de sa hiérarchie et des soucis divers internes au plus grand musée du monde. Le lecteur pénètre dans le cercle fermé du Louvres, de la peinture, des experts, des richissimes amateurs d’art mais aussi dans les arcanes de la restauration et des faussaires dont le monde très secret parsème quantité d’œuvres dans la nature.  Le très savant conservateur en chef finit par s’en remettre à un restaurateur original et particulièrement doué qui sera déterminant dans cet « allègement des vernis » accumulés au fil des temps sur la peinture, probablement la plus célèbre au monde.  Il y a longtemps que je n’avais lu de livre aussi intéressant. Il est très bien écrit et rendu simple à lire, grâce à l’humour partout présent et au parti pris d’une grande légèreté dans l’écriture.

 

Metin Arditi

L’île de la française (2024)

 

Une française férue de photographie vit en Grèce, sur une île reculée et oubliée des touristes. Elle enseigne son art à sa jeune employée devenue religieuse, outrepasse les lois sociales établies et fait entrer innocemment, la perversité au couvent ! A cette époque, la propre fille de cette femme disparaît et des recherches sont entreprises. Avec pudeur, l’auteur nous fait part d’un exposé existentialiste : des questions que se pose tout un chacun sur la relation qu’il peut avoir avec le divin notamment. Les règles sociales et le rejet de l’étranger sont des questions notamment soulevées. Le texte est bâti comme une intrigue policière, avec enquête et gendarmes mais il est évident qu’il prend figure de conte pour adulte quand l’auteur utilise nombre d’invraisemblances pour extrapoler son propos. Il ne me restera pas un souvenir impérissable de cet ouvrage.